Philippe Dubuc
PHILIPPE DUBUC
L’ÉMAIL PASSIONNÉMENT
Philippe Dubuc caresse avec tendresse et beaucoup d’amour le couvercle rond et un peu dodu d’un pot cylindrique. Volupté et sensualité tendent l’émail. On sent dans la matière, l’intensité du travail. Et pourtant avec quelle aisance apparente ! Philippe Dubuc est simple, aimable comme ses émaux et les formes qui reçoivent cette couverte belles comme une peinture. C’est que Philippe Dubuc est peintre ; un peintre qui mettrait ses œuvres au feu, comme il le dit si joliment.[…]
Toujours essentiellement formés de plaques assemblées, ses vases, ses pots empruntent au raisin, les tumescences des grappes, ovoïdes imprévus jaillissant au hasard, plus ou moins proches, isolés ou serrés, comme bulles dans une mer de lave apparemment docile et sereine, mais tendue et nerveuse. Ces formes botryoïdes, du mot aussi savant que grec qui définit la grappe, Philippe Dubuc les a apprivoisées pour les mettre au service de ses volumes raffinés et délicats. Toutes ces boursouflures apportent maintes surprises à l’œil appelé à chercher la forme générale dans ce chambardement inopiné. La surprise n’est pas que dans les formes qui reçoivent un émail généreux, beau et délicat, profond. Philippe Dubuc est un amoureux de l’émail auquel il apporte un soin particulier, n’hésitant pas à cuire et recuire, conduisant le four pour provoquer des oxydations, superposant les couches non sans les avoir abrasées entre chaque nouvelle couverte. Dans l’épaisseur, il dissimule des signes, tracés à l’éponge, par exemple, de bêtes éponges qu’il torture au rasoir.
Au pinceau, comme s’il travaillait l’encre de Chine, faisant des réserves à la paraffine, il applique trois, quatre, cinq, six couches qui vont jouer et se rétracter donnant à la matière, reliefs et tourments, fissurations ouvertes sur des secrets. Il découpe des polyuréthanes pour y dérober des ombres. Il emprunte des boules pour déformer ses vases en martyrisant la terre. Jouant sur la forme et les signes, il crée un monde de volumes et de dessins, d’entrelacs que ce jardinier semble avoir tiré du sol. Il est à la fois sculpteur et peintre, dessinateur et ciseleur. Coloriste dans des nuances subtiles de bleus tendres, de bistres ou de bruns, d’ors, de nuances parfois sombres et solides ou tendres et aériennes.
Philippe Dubuc sème le champ des signes dans la piste de l’émail. Entre les formes toujours travaillées, les couleurs toujours recherchées, les dessins toujours signifiants, l’œil s’arrêtera en plus à la qualité de l’émail, objet en lui-même, comme la peau de l’océan peut révéler ou protéger la vie profonde des algues et des animaux marins.
Jean-Yves Méreau
Exposition du 22 juillet au 29 août 2017
Vernissage le samedi 22 juillet de 18h00 à 21h.
Ouverture tous les jours de 11h à 19h.